Lecture d’oeuvres
“Le berger-fromager” par Brigitte Gaston-Lagorre
LE BERGER FROMAGER
À l’intérieur d’une cabane d’ estive, assis sur une peau de mouton, un berger aux traits anguleux semble s’appliquer à la tâche, celle de la traditionnelle fabrication du fromage. Près de lui, un chaudron – le caoudè –, pendu à une chèvre, semble encore plein du lait de la récente traite tandis que sur le trépied – le banquet – est posée une casserole qui sert probablement de louche. Pieds nus, chaussé de gros sabots de bois, le berger porte des vêtements couleur de pierre : béret, chemise et pantalon de gros drap. Tout ici prend la couleur de l’ardoise, seul le bois brun et les reflets du gros chaudron de cuivre donnent un peu de chaleur à la scène. Après avoir recueilli le caillé à la main, le berger fromager presse la boule dans un moule de bouleau, percé de trous. Le moule, posé sur une planche creusée d’une gorge circulaire et munie d’un bec verseur, permet de récupérer le petit-lait recueilli dans le grand récipient de bois, déposé entre les jambes du berger à même le sol.</p> <p>La scène acquiert une valeur quasi documentaire, laissant deviner la suite : le berger placera sa marque sur le fromage, qui, longuement affiné, essuyé, frotté sera retourné tous les deux jours sur les planches de sapin jusqu’à complète maturité…</p> <p>Tout ici semble vrai. L’exactitude du geste évoque avec force une civilisation agro-pastorale fondée sur l’élevage, où la production laitière et la fabrication de fromages tenait la première place. Celle des bergers transhumants d’Ariège. Depuis longtemps déjà, la fabrication du fromage obéit à un rite. La concentration, le quasi recueillement du berger nous montre que dans ce rituel chaque objet répond à une fonction précise.</p> <p>Cet homme renouvelle des gestes ancestraux, devenant ainsi le nouvel interprète d’une tâche sacrée marquée du sceau de l’éternité. Il prend dès lors à nos yeux de profane une autre dimension.
