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Le pastoralisme. Les Bergers

  /  Le pastoralisme. Les Bergers

Bien que l’on puisse jeter entre eux bon nombre de passerelles, la représentation picturale du pastoralisme que nous propose Lagorre nous semble issue de deux héritages culturels différents, l’un profondément religieux, l’autre plus spécifiquement artistique qui doit être mis en lien avec l’histoire de l’art.

 

L’héritage religieux

Quand Lagorre débute en peinture aux Beaux Arts de Toulouse en 1933, la première œuvre à sujet imposé qu’il exécute a pour titre « La Fuite de Cain », sujet biblique et hugolien à la fois. Quelques mois plus tard, à l’instar d’ Emile Bernard qui a composé entre 1904 et 1908 « Le Repos du berger », une huile sur toile qui figure actuellement au Musée d’Orsay, Lagorre peindra, lui « Le repos des bergers », sujet là encore imposé par ses maîtres, qui lui vaudra toutefois de remporter le Petit prix municipal de peinture de la ville de Toulouse…

La prégnance de la religion dans le milieu montagnard du Haut-Couserans où le peintre a vécu son adolescence n’est évidemment pas à démontrer. A cette époque, ce sont les cloches de l’église qui rythment encore la vie des paysans et le curé est un personnage d’importance au cœur du village au même titre et peut-être même davantage que l’instituteur. Cela influence fortement l’adolescent.

Lagorre commence sa longue vie de peintre en peignant, en 1938, à la demande de l’abbé Carrère, des toiles religieuses monumentales. Pour ce faire, il lit énormément et dévore les Évangiles, notamment celle selon saint Jean qui fait la part belle à la symbolique du berger et de l’agneau (Jean 10, 11-15). Dans les Fonts baptismaux de l’église paroissiale de Seix, Lagorre peindra Jean le Baptiste qu’il a déjà représenté enfant sur une immense toile dans la petite église de Saint-Laurent-sur-Save. Le mot « berger » est évidemment très présent dans la Bible, et souvenons-nous à ce titre que le premier berger est Abel, qui représente les nomades, composante de l’humanité préférée de Dieu par rapport aux agriculteurs sédentaires symbolisés par Caïn.

Dans le Nouveau Testament, les bergers sont aussi les premiers à chanter la joie de la naissance de Jésus à Bethléem.

Nous nous contenterons ici de souligner l’importance d’expressions qui abondent dans la Bible telles « l’Éternel est mon berger. » ou, en parlant de Jésus, « Le bon berger », « le Bon Pasteur » ou encore « L’Agneau de Dieu », des expressions dont Lagorre nous donne parfois une transposition picturale sur ses toiles.

 

L’héritage artistique

Mais, comme l’a montré l’exposition qui s’est tenue au Musée Courbet d’Ornans en 2022, au milieu du XIXe siècle le peuple paysan devient aussi à cette époque un sujet d’art 1. Lagorre ne craint donc pas de mettre la figure du berger au centre de son œuvre figurative, la traitant avec un réalisme cru. La transposition picturale que nous propose le peintre se situe très loin de la vision idyllique et idéale qui prévalait dans les pastorales des XVIIe et XVIIIe siècles. Ici les portraits de bergers nous montrent des visages dont la rudesse éclate sut la toile, peau tannée, traits creusés, sourcils broussailleux… Les mains des bergers, larges et noueuses, témoignent aussi de la force et de la rudesse du métier qui est le leur. De plus, Lagorre nous montre les bergers dans leur cadre de vie, sur les estives d’altitude, dans les cabanes de bois qui sont les leurs et il représente les bergers, toujours accompagnés de leur chien fidèle, avec les outils qui leur sont propres. De la gourde au parapluie en passant par les trépieds, les seaux à lait, les « lérous »…, tous les objets du quotidien sont présents sur les toiles.

L’idéalisation des bergers est peut-être à chercher du côté de l’éclairage des scènes. La fantastique couleur des ciels de montagne et des parois rocheuses, les fabuleux clair-obscurs, le soir, dans la cabane éclairée de l’intérieur par une lanterne ou une bougie dont la flamme vacille magnifient à elles seules les représentations de la vie des bergers en montagne.

1 Le musée Courbet d’Ornans, ville natale du peintre, a proposé du 27 juin au 16 octobre 2022, plus de 80 oeuvres – peintures, sculptures, dessins – d’artistes incontournables du XIXe siècle, Courbet, Millet, Breton, Gauguin, Rodin ou Van Gogh, prêtés par une quarantaine de musées nationaux et internationaux sous le titre « Ceux de la terre-La figure du paysan, de Courbet à Van Gogh ».