Représentions de bergers par Pauline Chaboussou

LE VIEUX BERGER

Le premier tableau représente un vieux paysan en costume traditionnel de berger. Derrière lui se trouvent des objets typiques du monde pastoral comme les licous et les clarines, suspendus sur une rampe de bois, ou le grand lérou placé à gauche de la toile. Le peintre a ajouté un chien de profil aux côtés du berger, la tête posée sur ses genoux.</p> <p>Le visage et les mains ridés et creusés du personnage témoignent de son âge certain mais aussi de la rudesse de son travail. De par leur aspect usé, dans les tons de gris, les couleurs du costume, tout comme le traitement des plis du vêtement, accentuent l’impression de fatigue et de vieillesse. Toutefois, l’attitude bien droite du vieil homme, et l’amplitude de sa cape qui l’enveloppe d’un halo lumineux, confère de la noblesse à sa personne, impression encore renforcée par la composition classique, parfaite, en triangle.</p> <p>Le berger pose au centre de ses objets de travail comme si Lagorre avait voulu fixer sur la toile les principales caractéristiques d’un métier qui connaît alors une forte désaffection. Le chien joue un rôle important : certes, il est là pour rappeler l’aide précieuse qu’il apporte aux bergers dans la surveillance et la protection du troupeau, mais il symbolise surtout la fidélité : fidélité du chien envers son maître et fidélité du berger envers ses bêtes et son métier.</p> <p>La maîtrise des couleurs est ici remarquable. Malgré la prédominance de tons froids ou sourds, le tableau reste lumineux et le berger se détache bien de l’ensemble. Le bleu foncé très intense, visible à la gauche du tableau et sur le costume du berger, qui rappelle celui des vitraux des cathédrales, représente une véritable source de lumière qui capte l’attention pour mettre en valeur le personnage. Le blanc nacré de la cape, qui ressort sur le fond sombre, participe aussi à cette valorisation. Les éclairs de verdure qui transparaissent à travers les planches disjointes des murs de al cabane, en arrière-plan, apportent de la profondeur à la scène, alors que la présence de nuances rougeoyantes sur le chien et certains colliers de clarines contribue à réchauffer le tableau.</p> <p>Par la précision de la technique, le classicisme de la composition et la qualité du traitement des couleurs, cette toile peut être considérée comme une œuvre majeure de René Gaston-Lagorre. L’artiste en était d’ailleurs très fier ; il a toujours refusé de vendre cette toile, et se justifiait en disant que c’était « le berger de ses bergers », le berger de ses tableaux.