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Au centre exact du tableau , la masse sombre d’un arbre majeur, tachetée d’éclats blancs. C’est un marronnier en fleur, qui focalise le regard, comme si le sujet principal du tableau n’était ni le château, ni une vue sur le village, mais cet arbre dont la floraison blanche symbolise le printemps. La couleur y est fortement appuyée : vert et bleu profonds du feuillage, blancheur lumineuse de ses fleurs. Toute la scène tourne autour de lui : à gauche la château, légèrement estompé, presque en retrait, ressemble plus à une grosse maison qu’à un site défensif. A droite, en contrebas, le village de Seix, où sur les toits l’ardoise le dispute à la tuile. Mais le marronnier se situe aussi au croisement de l’axe horizontal qui coupe en deux le tableau dans sa hauteur. La limite supérieure du village est justement positionnée sur cet axe, le contenant à l’intérieur de la partie basse du tableau, tandis qu’au-dessus règne le domaine de la nature, prés de fauche, montagne forestière du Mirabat, jusqu’aux sommets enneigés.
Au premier plan, les branchages de deux jeunes arbres renvoient toute la scène vers l’arrière et accentuent la profondeur du paysage.
On voit là comment, par la composition très étudiée de sa peinture, Gaston-Lagorre a organisé autour du marronnier en fleur, les thèmes qui lui sont chers. La nature, le printemps qui est aussi pour lui la joie de vivre, la vie d’un village dans une vallée de montagne. Mais ce n’est pas tellement ce qui est peint qui fait l’intérêt de ce tableau. C’est la façon don il est fait, et l’art d’en articuler les éléments . Car la composition, après qu’il a balayé le spectre de la couleur, est une donnée fondamentale pour Lagorre. A partir des années soixante, cela deviendra l’objet principal de son travail, dont l’aboutissement sera la fameuse série des Z.
La couleur comme des éclats de lumière
Dans les années cinquante, qui sont celles où fut réalisé ce « marronnier en fleur » (appelons-le ainsi), l’utilisation de la gouache était fréquente, avant d’être minorée par l’arrivée de l’acrylique en France. C’est qu’elle permet, contrairement à l’aquarelle qui va généralement du blanc au plus foncé, de peindre un peu comme à l’huile, grâce à son pouvoir couvrant. La lumière est apportée par des touches de peinture plus claire et c’est ce que fait ici Lagorre qui dispose ses taches de couleur par touches jetées, rapides et précises. La gouache permet au peintre de faire « monter la couleur », selon un mot de Deleuze, d’apporter la vivacité de ses teintes. Elle égaye les feuillages, fait rutiler les toits, illumine de ses couronnes blanches la frondaison du marronnier. Le château, lui, sans éclat, dans des nuances de grège et de gris, semble porter l’effacement de son passé. Ici encore, c’est la nature printanière qui est l’idée support de la toile. Une nature fraîche, gaie, dans laquelle sont posés le château et le village de Seix.
Aujourd’hui, le marronnier en fleur n’existe plus. Il a laissé place à un ou deux palmiers, signe d’un temps plus chaud. Mais n’a-t-il jamais existé autrement que dans l’esprit du peintre ?
Denis PUECH , président de l’Agence de Développement de l’Économie Culturelle du Couserans (ADECC) est le maire actuel du petit village d’Allières (Ariège), ainsi que le vice-président Culture de Couserans-Pyrénées mais c’est aussi et surtout pour nous un peintre de talent qui excelle dans la critique d’art. L’ article ci-dessus, rédigé par ses soins, est paru dans Le Colporteur en décembre 2021 suite à l’acquisition de cette gouache par Pauline CHABOUSSOU pour le Château de Seix dont elle était alors responsable dans le cadre du projet Patrim’. La gouache est visible au château.