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Ponts et passerelles, un thème récurrent.

  /  Ponts et passerelles, un thème récurrent.

Qu’il surplombe un torrent impétueux , un ruisseau de vif-argent ou le paisible cours de la Seine, le pont apparaît comme un motif récurrent dans l’œuvre du peintre.

De Canaletto à Turner en passant par Albert Marquet et bon nombre d’impressionnistes, le motif pictural du pont est relativement courant, sans doute parce qu’un pont est d’abord le trait d’union reliant deux rives et qu’il acquiert à ce titre une portée hautement symbolique. Cependant, la manière dont René Gaston-Lagorre traite de ce thème nous semble assez originale.

Les ponts en milieu montagnard, d’un côté comme de l’autre de la frontière, sont le plus souvent des ponts en arche de pierre. Dans ce milieu accidenté, ils enjambent failles et ravins, devenant un passage obligé, très souvent périlleux qui, dans une nature sauvage parsemée d’embûches, ouvre la voie, mettant à l’épreuve le courage de celui qui le franchit. Ces ponts là s’inscrivent dans la tradition venue tout droit des contes médiévaux qui mettaient à l’épreuve la vaillance du futur chevalier.(1)

Si le pont peut n’ être dans les peintures de René Gaston-Lagorre qu’une structure de pierres magnifiée par les couleurs automnales des sous-bois, s’il se transforme parfois en fragile passerelle de bois comme il en existe tant en montagne, rendant la traversée plus périlleuse encore, le pont acquiert aussi, au fil de ses œuvres la dimension d’un espace-frontière séparant le haut du bas, opposant l’abîme des profondeurs à l’immensité de la voûte céleste. N’en doutons pas, le pont est aussi dans l’œuvre de Lagorre cet élément horizontal qui, s’il unit deux rives opposées opère une séparation horizontale entre le haut et le bas.

Fortement influencé par les impressionnistes à ses débuts, le peintre connaissait bien l’œuvre de Monet et tout particulièrement le tableau intitulé « Le pont japonais sur le bassin aux nymphéas à Giverny » daté de 1899. Savait-il déjà, lui dont les œuvres seront plus tard exposées à Tokyo, que d’une manière générale, on utilise le mot «  hashi »  pour désigner le pont en japonais ? Savait-il alors que ce mot très ancien est empreint d’une notion de commencement et de passage vers la Lumière ?… Cette dimension peut être prise en compte dans la représentation des ponts qui s’offrent à nos yeux.

Le peintre relègue pourtant parfois au second plan la dimension symbolique du pont au profit de la mise en valeur là encore d’une forme d’humanité. Les ponts deviennent alors le cadre de scènes de vie quotidienne en milieu montagnard. Au fil des saisons, les paysans les franchissent tantôt en pleine lumière sous le soleil cru des ciels d’été tantôt sous la neige lors de très rudes hivers. Et sur des passerelles aujourd’hui disparues on aperçoit parfois des femmes qui bavardent, au cœur du village, tandis que l’eau s’écoule joyeusement sous leurs pieds.

(1)La traversée du Pont de l’Épée dans Lancelot ou le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes constitue la deuxième épreuve pour Lancelot du lac, celle qui lui permettra d’aller dans le royaume de Baudemagus pour sauver la reine Guenièvre. Le passage « plus tranchant qu’une faux » au-dessus d’un gouffre sans fond est défendu par des lions. Lancelot « après avoir regardé son anneau », annule l’enchantement et parvient sur l’autre rive au prix de nombreuses souffrances. Le franchissement du Pont sous l’Eau constitue une autre épreuve où le chevalier Gauvain manque de se noyer et est sauvé par Lancelot.